29 août 2006

Retourner à la Nouvelle-Orléans …

Il y a un an, le 29 août 2005, un cyclone dévastait la Nouvelle-Orléans, inondant les quartiers populaires, laissant des centaines de milliers d’hommes et de femmes sans abri. Le monde entier a été blessé par les images d’habitants isolés dans l'eau jusqu'à la taille ou de réfugiés parqués comme des animaux dans un stade mais l’émotion des amateurs de musique a peut-être été plus grande encore parce qu’à la Nouvelle-Orléans bat le cœur de la plupart des musiques populaires d’aujourd’hui. La plupart viennent même précisément de Congo Square, le parc où, tous les dimanches, les esclaves et leurs descendants avaient le droit de se réunir pour jouer de la musique et danser (alors que dans le reste des Etats-Unis de tels rassemblements étaient interdits), et des rues adjacentes où le quadrille et le menuet des planteurs français voisinaient avec le fandango des colons espagnols et avec les rythmes des rituels vaudous des descendants d’esclaves dahoméens. Jusqu’au 29 août 2005, la musique de la Nouvelle-Orléans était unique, très richement métissée, très influente (son apport au jazz, au rythm’n’bles, à la soul, au funk, … est incommensurable), à la fois savante et populaire (les écoles de musique y étaient bondées, les défilés des Indiens du Mardi Gras, en hommage aux tribus indiennes qui avaient recueilli des esclaves fugitifs, étaient des événements).





Depuis la catastrophe, la ville a perdu la moitié de sa population (230 000 personnes y vivent aujourd’hui, contre 485 000 l’année dernière). Et, d’après un animateur de Radio WWOZ, moins de 20% des musiciens sont revenus. George W. Bush parle simplement de "plusieurs années pour reconstruire". Désolé, monsieur Bush, mais "reconstruire" l'âme de la Nouvelle Orléans ne va pas être aussi simple que ça ...

Téléchargez-moi ...

On a retrouvé Mick Jones. L’ancien Clash (aux côtés de Joe Strummer, de Paul Simonon et de Topper Headon), l’ancien B.A.D. (aux côtés de Don Letts, au moins aux débuts), le producteur des Libertines, … se cache actuellement au sein d’un groupe baptisé Carbon / Silicon et mène sous ce nom une guérilla incessante contre les rentiers du disque. Le groupe propose en effet tous ses titres en téléchargement sur son site, www.carbonsiliconinc.com, et invite ses fans à enregistrer ou à filmer ses concerts. Les chansons du groupe évoquent elles aussi le sujet. Leurs titres sont d’ailleurs particulièrement éloquents : "MP free", "War on culture", "Gangs of England" (dont les premières lignes disent : « If you want the record / Ask the gangs of England »), ... Si le cœur vous en dit, ils vous en prient : téléchargez leur musique. Mais écoutez la avant : si l'envie d'en découdre est bien là, l'inspiration s'absente parfois ...

24 août 2006

I want my, I want my MTV ...

Aller vite. Toujours plus vite. Et, surtout, surtout, le faire savoir. La politique culturelle en France se résume de plus en plus à ça : des résultats immédiatement visibles. En témoigne la subvention que le conseil régional d’Ile-de-France vient de voter pour que MTV organise un tremplin musical régional : 627 902 euros ! Un peu plus de quatre millions de francs versés à une chaîne qui n’a jamais brillé et ne brillera jamais par son attention au lent mûrissement des artistes, ni par son attention au très centripète contexte culturel de la région parisienne, … quand une centaine de petites salles de répétition et de concerts de la Seine-Saint Denis, des Yvelines, des Hauts-de-Seine, du Val de Marne, de l’Essonne, du Val d’Oise ou de la Seine-et-Marne peinent à boucler leur budget. Mais le principal défaut de ces salles – qui font pourtant un travail admirable – est de rester invisibles à ceux qui ne les fréquentent pas. Et ce n’est pas avec des structures conviviales mais intimistes ou avec du long terme qu’on gagne des élections.
N’en déplaise à Julien Dray, l’éminence PS qui a fait voter cette subvention, tous les musiciens ne rêvent pas de passer sur MTV. Beaucoup, même, préfèreraient avoir l’occasion de se former en jouant dans une vingtaine de salles de la région devant un public attentif, plutôt que d’être catapultés sous des projecteurs, manipulés, essorés puis relégués dans un coin (qui se souvient des vainqueurs des tremplins musicaux précédents, organisés par France 3 ?).
Le pire est probablement que cette subvention a été votée dans le cadre de la « politique de la ville ». Quelques-unes des causes de la « crise des banlieues » ont dû échapper à nos chers représentants politiques …

23 août 2006

Alexi Murdoch

Addenda au post précédent : l'album d'Alexi Murdoch est très bon. Vraiment très bon. Je le passe sans cesse.

17 août 2006

Murdoch et Murdoch sont sur un site web ...

Internet commence à remplir ses promesses … C’est ce que je me disais récemment en découvrant Alexi Murdoch sur www.myspace.com. Ce site est une vertigineuse plate-forme sur laquelle on peut découvrir des milliers de chanteurs ou de groupes qui présentent eux-mêmes leurs chansons, leurs amis et leurs sources d’inspiration. Dès que l’on ouvre l’une de ces milliers de pages personnelles, la musique du groupe retentit. On peut donc se lancer dans de longs safaris musicaux, harassants mais parfois fructueux. C’est ainsi que j’ai découvert la musique d’Alexi Murdoch, un chanteur de folk anglais installé en Californie. Faites l’expérience, allez sur sa page personnelle (http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendID=17370424), vous serez stupéfaits : Alexi est la réincarnation de Nick Drake (bien sûr, vous ne serez stupéfaits que si vous connaissez déjà Nick Drake ; si vous ne le connaissez pas encore, précipitez-vous chez votre disquaire, vous allez adorer). Même voix flottante, même jeu de guitare éthéré, même blues apaisé. Bien sûr, les compositions d’Alexi n’ont pas la beauté ténébreuse de celles de Nick mais les quatre titres présentés restent terriblement convaincants. Et comme, à quelques clics de là, Amazon propose l’album (en import puisque personne ne le distribue ici) à 10 euros, internet a réellement rempli l’une de ses promesses : donner accès à des artistes sans passer par les goulets d’étranglement que sont aujourd’hui les radios.

Le problème, parce qu’il y a un problème, est qu’en tapant « Murdoch my space » dans google (parce que j’avais oublié le prénom d’Alexi), je suis tombé sur une information qui fait froid dans le dos : Rupert Murdoch a racheté Intermix, la société qui se cache derrière My space. Pour mémoire, Rupert Murdoch est un magnat de la presse radicalement conservateur. Propriétaire de plus de 150 journaux et de plusieurs chaînes de télévision nord-américaines (dont la très patriotique Fox News), il est considéré comme l’un des hommes les plus puissants au monde du fait de son poids sur l’opinion publique, constaté au moment de l’invasion de l’Irak (qu’il soutenait, bien sûr). Quel rapport entre Alexi Murdoch et Rupert Murdoch ? A priori, aucun. Rupert Murdoch ne doit même pas savoir qui est Nick Drake (s’il le connaissait, il passerait plus de temps à contempler sereinement des paysages de plages sous la pluie qu’à barrir dans des conseils d’administration). Mais il sait bien ce que peut lui rapporter un site aussi populaire que My space : un moyen privilégié d’entrer en contact avec des centaines de milliers de jeunes …

Finalement, est-il bon qu’internet remplisse toutes ses promesses ? Toutes ? Y compris les plus néfastes, celles que les hommes d’affaire les plus voraces croient avoir entendues ?

16 août 2006

En passant par la Belgique …

La cinquième édition du festival Esperanzah, qui a eu lieu du 4 au 6 août à Floreffe (Belgique), était encore un bon cru. En termes d’échanges et de rencontres, d’abord, puisque la thématique d’apparence abstraite, la souveraineté alimentaire, s’est avérée passionnante et très concrète lorsqu’elle a donné lieu à des débats à propos de Coca-Cola ou de l’accès à la terre (à écouter sur http://www.autres-mondes.org/evenements/2006/radio-esperanzah) ou à des rencontres avec des paysannes d’Europe et d’Afrique. En termes musicaux également. Trop pris par les débats, je n’ai pas pu aller écouter autant d’artistes que je le souhaitais (j’ai notamment raté le concert de Dupain !) mais j’ai quand même saisi quelques notes au passage. La très souriante Sara Tavares a confirmé sur scène tout le bien que je pense de son disque. Assise au milieu de ses trois musiciens, également assis, elle a offert au public, en un début d’après-midi cotonneux, un moment de douceur et de partage rare. Lila Downs, elle, a peu donné dans l’intimisme mais son nouveau spectacle, essentiellement basé sur des chansons à boire et à pleurer, m’a fait bien plus rêver que ses spectacles passés (est-ce seulement parce que le saxophoniste a pris moins de solo ?). A propos de saxophoniste, le leader de la fanfare Ciocarlia, un big band roumain d’une rapidité et d’une précision redoutables, s’est révélé un maître de l’instrument comme il y en a peu. Je ne dirai pas de bien du Radio Chango Sound System parce que ce serait considéré comme du pur copinage (Brother Jam et Selector Matanzas sont des amis) mais j’en pense beaucoup. Par contre, c’est de Danyel Waro, le héraut rural de la Réunion, que je ne me lasserai jamais de dire du bien. Avec pour seules armes sa voix et des tambours, il m’a encore retourné l’estomac et arraché une larme. Sa technique vocale est unique. Elle doit d’ailleurs être à l’exact opposé de ce qui s’apprend dans les cours de chant. Quelqu’un pourrait-il m’expliquer comment cet homme donne ainsi l’impression de chanter avec ses tripes et non avec de vulgaires cordes vocales ?

De retour de Cuba ...

Voilà plus de deux semaines que nous sommes de retour de Cuba (non, nous ne sommes pour rien dans les ennuis intestinaux de Fidel Castro, nous avons appris la nouvelle en rentrant) et je ne reprends ce blog que maintenant. Désolé. Mais je n’ai de toutes façons rien d’extraordinaire à dire à propos de la musique cubaine. A vrai dire, nous en avons peu entendu. En tout cas, peu qui vaille la peine d’être mentionnée. Nous avons subi plus d’une trentaine de reprises de « Chan chan », du « Cuarto de Tula » et de « Dos gardenias » dans des cafés pour touristes mais elles étaient rarement plus fines qu’une reprise de « Smoke on the water » un soir de la Fête de la Musique. Autant être honnête : les mauvais musiciens cubains jouent aussi mal que les mauvais musiciens français, kenyans ou moldaves. Cuba regorge par ailleurs d’excellents musiciens, le monde entier le sait, mais ils se cachent justement dans un ailleurs indéterminé, loin des oreilles des touristes, à qui est servi un salmigondis musical méprisant. C’est ce mépris, cette façon qu’ont les serveurs d’annoncer une simpliste « salsa » lorsqu’on leur demande ce qui est au programme de la soirée, comme si aucun touriste ne pouvait s’y connaître, comme si aucun étranger ne pouvait saisir la nuance entre un son, un son montuno, un mambo, un cha cha cha ou une guajira, … qui est le plus rageant. Mais Cuba a tant d’autres charmes qu’on y oublie vite qu’on n’y entend pas l’excellente musique cubaine dont on se régale ici.