19 décembre 2006

Adieu Ahmet

Ahmet Ertegun est mort jeudi dernier. Avec lui, disparaît l’un des derniers producteurs de disques à l’ancienne. Dans « Ray », l’assez mauvaise biographie filmée de Ray Charles, son personnage apparaît à plusieurs reprises, dans la chambre d’hôtel du chanteur puis dans un studio, où il lui souffle le texte d’une chanson (« Mess around », qu’il signera A. Nugetre … Ertegun à l’envers). Ahmet Ertegun était effectivement le genre de producteur capable de dialoguer d’égal à égal avec un artiste. Et pas n’importe quels artistes : Ray Charles, donc, mais aussi Aretha Franklin, les Drifters, Stick Mc Ghee (l’auteur de « Drinkin’ wine spoo-dee-o-dee », récemment reprise par Richard Thompson), John Coltrane, Charles Mingus, Wilson Pickett, Led Zeppelin, … D’innombrables géants se sont bousculés dans les bureaux d’Atlantic, son label. Quelques photos pour résumer une vie qui est à elle seule un chapitre de l’histoire de la musique du vingtième siècle …

18 décembre 2006

Triste tigre ...

Sous les projecteurs de la Flèche d’Or, samedi soir, il n’avait de fauve que sa crinière. Pour le reste, Fauve, puisque c’est le nom d’artiste de l’une des révélations de la presse cet hiver, n’a rien d’un grand carnassier. Aucune présence, un anglais approximatif, un souffle un peu court, … son album est peut-être plaisant mais le petit Fauve ne semble pas encore prêt à s’aventurer hors des studios.

15 décembre 2006

Quelque chose ne passe pas ...

Ca ne passe pas chez blogger.com. La liberté d'y déposer des commentaires semble réduite. Je fais donc ici un copier-coller du message de Sébastien ...

"Salut François. Puisque tu nous donnes l'opportunité d'écrire sur un album marquant de l'année, et que j'aime les mélanges moi aussi, tout comme Farid, je vais porter ton (votre) attention sur un disque mystérieux dont personne, dans la critique musicale nationale autorisée, n'a parlé. En tout cas, je n'en ai vu fait mention nulle part. Alors voilà, il s'agit de "the world is gone" par Various (ou Various Production). C'est ni plus ni moins que le futur de la musique urbaine dans un sens Anglo-centriste. Souvenez-vous, en 1991 Massive Attack sort "Blue Lines", soit l'album manifeste du Trip-Hop. L'album de Various est de cet acabit (si, si je vous assure... j'abuse, mais il y a de ça tout de même). Various, c'est un collectif de musiciens (blancs ? Noirs ? les deux ?) qui avancent masqués, incognitos (comme à la glorieuse période de le techno... renember, Underground Resistance...). Ils pratiquent une musique sub-urbaine (comme on dirait sub-culture) typiquement britannique : le Grime, qui regroupe tout un tas d'artistes indépendants et de sous-genres (dub step, sino grime, two step... etc.). En gros, c'est la mutation complexe de ce que l'on a appelé le U.K. Garage. Soit la rencontre de la drum & bass, du garage et du hip-hop. Vous ne comprenez rien à rien ? C'est pas grave, just listen ! Le Grime (puisque c'est l'étiquette officielle), c'est le hip-hop des anglais, une musique urbaine sombre, sale et noire (d'où le terme), plutôt lente, avec des sons électroniques vraiment "pauvres" (les dj du mouvement adorent les sons de consoles de jeux vidéos par exemple, et les grosses basses). Parfois, ça sonne dub, parfois ça se rapproche du r'n'b, mais un r'n'b pas du tout glamour et fun. Les artistes du mouvement sont plutôt jeunes et prolos. C'est pour ça aussi que le grime est la seule tendance vraiment révolutionnaire, nouvelle, moderne du moment. Encore une fois, nos amis anglais prouvent que c'est dans le mélange des genres et de l'échantillonnage qu'on crée du neuf. De l'autre côté de la Manche, des artistes comme The Streets, Dizzy Rascal, M.I.A. prouvent que le Grime peut-être commercialement porteur. Le gros de la production reste avant tout underground et axé sur la culture du vinyle (et du web... trouvez les blogs, il y en a plein qui suivent de près l'évolution rapide du mouvement). Comme Massive Attack en son temps, qui a su exploser les fondements de l'Acid Jazz pour créer un style propre, Various Production transcende son propos en mêlant les fondamentaux du Grime au... revival folk actuel ! Et oui, la moitié des morceaux de l'album sont en fait des morceaux folks chantés par de jeunes femmes qu'on imagine diaphanes. En mêlant rythmes urbains arides à la douceur de la geste folk, Various s'invente un style alien qui devrait (on l'espère) inspirer plus largement d'autres artistes. Ne cherchez plus, le futur de la musique est là (en toute mauvaise fois), sous les belles pochettes dessinées du collectif incognito (toutes aussi étranges et à contre-courant que leur musique). Si l'album, signé sur un "gros" indépendant (XL), est facilement disponible, vous serez un sacré veinard en dénichant la tripoté de 45 t. et de maxi autoproduits qu'ils ont déjà à leur actif (épuisés et introuvables). N'attendez pas une année de plus pour écouter et découvrir Various Production... avant que tout le monde n'en parle !Vous ne le regretterez pas (et ça fait toujours bien dans les dîners branchés). Définitivement un son qui a du sens."

Sébastien, qui, soit dit en passant, joue ce soir au Bottle Shop ...

14 décembre 2006

Farid n'entre pas dans la case ...

Allons bon ! Il semblerait qu'il ne soit pas si facile que ça de publier un commentaire sur ce site. Voici donc le commentaire de Farid, qui refuse d'ouvrir un compte Gogol pour un simple message (et il n'a pas tort) ...

"Irie François, que de bons choix. Alors, comme tu demande l'avis de tes lecteurs, perso si je dois rester Franco-français dans ma sélection (et donc jeter aux oubliettes l'album de Filastine "Burn It" chez SOOT Records), j'aurai une préférence pour un artiste que tu connais bien, histoire de bien faire le fayot : Zêdess ... qui va faire un carton avec son "Hongrois au pays des Gaulois". Mais c'est un Africain...Donc pour la France, le seul groupe qui m'a troué le cul comme on dit au pays du beaujolpif, c'est le disque de Pienza Ethnorchestra "Indiens d'Europe".Oui, c'est un de mes disques préférés cette année, non que je me sois converti au Jazz, mais simplement parce que j'adore les mélanges, et qu'avec ce disque j'en prends plein la gueule et les oreilles et ça fait du bien. D'ailleurs, ce choix, c'est aussi pour promouvoir un Label 12 Prod, qui dans l'indifférence générale est en train de produire un répertoire qui fera des étincelles tôt ou tard. Voili, voilou, un avis qui ne vaut rien... tant il est vrai que ce qui m'a interessé cette année, ce ne sont pas les albums des majors (j'aurai bien écouté Abd Al Malik ou Katerine), mais les petites initiatives, les auto-prods, comme celles de Karlit et Kabok, Grrzzz, et bien entendu Kamini !"

13 décembre 2006

Et vous ?

C’est amusant, cette participation aux Victoires de la Musique, ça oblige à ne regarder l’année qui s’achève que sous un angle franco-français et à afficher une partialité terrible : j’ai cité Padam parce qu’ils ont souvent joué au café en bas de chez moi, Katerine parce que c’est un ami de mon libraire, … Et pourtant mon année n’a pas aussi hystérique que le tube de Katerine, ni aussi glauque que celui de Padam. Loin de là.
Et vous, qu’avez-vous fait de cette année ? L’avez-vous passée à chanter le blues (en écoutant pour la dernière fois B.B. King) ou à danser sur le comptoir à demi-nu (en écoutant Gnarls Barkley) ? L’avez-vous passée à errer au loin (en écoutant Ali Farka Touré) ou coincé entre le canapé et la télé (en écoutant du Michel Sardou) ? L’avez-vous passée à lever le poing (en écoutant Keny Arkana) ou à baisser les bras (en écoutant Renaud) ? L’avez-vous passée à dorloter des tout petits (en chantonnant du Yann Tiersen) ou à tutoyer le tout-puissant (en écoutant Faiz Ali Faiz) ?
Si vous deviez résumer votre année par un disque, lequel choisiriez-vous ?

12 décembre 2006

A voté !

Voilà, c’est fait. J’ai glissé le bulletin des Victoires de la Musique dans une enveloppe. Et mon palmarès est ….
Artiste interprète masculin de l’année : Dominique A
Artiste interprète féminin de l’année : Emilie Simon
Artiste révélation du public de l’année : Abd Al Malik
Révélation scène de l’année : Ministère des Affaires Populaires
Album révélation de l’année : « Les vivants » de Dupain
Album de variétés de l’année : « Obok » de Gérard Manset
Album pop rock de l’année : « Taormina » de Jean-Louis Murat
Album de musiques urbaines de l’année : « Identité en crescendo » de Rocé
Album de musiques du monde de l’année : « Grin n syèl » de Danyel Waro
Album de musiques électroniques de l’année : « Lunatico » de Gotan Project
Bande originale de l’année : « Transylvania » de Tony Gatlif
Chanson de l’année : « Louxor, j’adore » de Katerine / « Sous le piano de ma mère » de BabX / « T’es belle » de Padam.
Spectacle musical / la tournée de l’année : Thomas Fersen
Vidéo-clip de l’année : « Marly-Gomont » de Kamini
DVD musical de l’année : « Showtime » d’Arthur H
J’avoue que je regrette déjà certains choix. C’est la malédiction des élections : on est amené à s’exprimer sur des sujets qu’on connaît mal (le clip ou le DVD de l’année, alors que je ne regarde pas la télé) ou à se déterminer en fonction de critères très fluctuants (sera-t-on assez nombreux à voter pour Rocé pour que ce soit utile ?) …
La question amusante est : combien de mes choix seront confirmés par les autres électeurs ? Trois ou quatre, au maximum. Zéro, plus probablement.
Résultat le 10 mars 2007 sur France 2, en direct du Zenith.

01 décembre 2006

La gravité

La chanson française aurait-elle, sans que personne ne s’en rende compte, été contaminée par le gangsta rap ? Textes d’une noirceur sans fond dits d’une voix atone, le regard à terre … Les valses tristes de Da Silva et de Joseph d’Anvers (pour ne citer que deux chanteurs parmi tous ceux que j’écoute pour remplir mon devoir d’électeur des Victoires de la Musique) donnent l’impression d’avoir été enregistrées juste avant de se jeter sous le métro. C’est bien sûr l’effet Miossec : la théâtralisation et la systématisation d’un mal-être que l’on sait être l’une des choses les mieux partagées en France. Mais le parallèle avec le rap permet de remettre les choses à leur place. Un chagrin d’amour est certes un moment difficile mais, si on le compare à un passage à tabac dans un poste de police, à une expulsion du pays où on a grandi ou à une addiction au crack, il devrait être possible de relativiser. « Je viens d’un lieu où chacun se complait à être grave » scande Abd Al Malik, pour évoquer la cité du Neuhoff, à Strasbourg. Si un peu de dédramatisation est possible au pied des tours, pourquoi serait-ce impossible dans les cafés confortables des Abbesses ?

P.S. En explorant la chanson française telle qu’elle s’est chantée en 2006, je découvre des merveilles … Avez-vous entendu « Coming out » de Alexis HK ? « Le chercheur d’or » d’Arthur H ? Le live de Thomas Fersen ? « Porto » de Bertrand Belin ? « J’ai changé » d’Albin de la Simone ? « L’enfant soldat » de Gérard Manset ? « Les vivants » de Dupain ? « L’horizon » de Dominique A. ?

29 novembre 2006

Décolonisons !

« Il y a toujours eu des résistances en Afrique … » Dès les premières secondes, la nouvelle compilation de Survie donne le ton. C’est François-Xavier Verschave qui énonce ces mots de sa voix inimitable. Mais il est vite relayé par les tirs croisés de quelques uns des meilleurs rappers d’Afrique de l’Ouest : Lassy King Massassy, Al Peco, Awadi, Dixon (de Tata Pound), … On retrouve en effet dans ce deuxième volume de « Africa wants to be free » quelques uns des héros de la résistance africaine à toutes les formes de recolonisation (Tiken Jah Fakoly, Awadi, …) et ceux qui sentent le besoin d’une décolonisation (du monde, des esprits, …) ici. Et toujours tout un lot de titres introuvables en France : le tubesque « Dépendance » de Kajeem (Côte d’Ivoire), le très littéraire « La victoire des vaincus » d’Apkass et Hamé, l’un des brûlots des prolixes Marseillais Duval MC, …
Le disque est disponible depuis lundi par correspondance pour un prix minime chez Survie (210, rue Saint-Martin / 75003 Paris / 01 44 61 03 25). L’association aurait bien besoin que vous lui envoyiez un petit chèque pour boucler son budget à la fin de l’année. Comme cadeau de Noël, on a connu plus idiot !

28 novembre 2006

Achetez moi !

Cette année, je vote. Vous aussi, me direz-vous. Mais je ne vous parle pas de départager la raide Ségolène et le rude Nicolas. C’est pour les Victoires de la Musique que je vote. Il va me falloir trancher entre Mat Pokora et Gérard Manset, entre Michel Sardou et Brigitte Fontaine ou entre Lorie et les Svinkels avant la mi-décembre. Aussi, amis mélomanes ou amis producteurs, vous reste-t-il peu de temps pour me soudoyer et m’inciter à voter pour vos artistes préférés. J’accepterai touts les formes de corruption : CDs, bières fraîches, voyages à l’étranger, carambars déjà mâchonnés, … mais pas de règlement par chèque ou par carte bleue, ça pourrait se voir.

Une époque formidable ...

Est-il encore possible de dire qu’on vit une époque formidable sans arborer un rictus ironique ? Arthur H ose dans le dernier numéro de Vibrations. Et il a raison. Bien sûr, l’égoïsme et l’hystérie gagnent du terrain quasiment partout … mais, musicalement … Ah, musicalement, il y a tant à entendre ... Nicolas Repac agite ses samples, revisitant Debussy et Satie pour Arthur H., la musique malienne pour Manani Keita et les big bands pour ses propres projets. Abd Al Malik écrit des chansons à pleurer de bonté. Depuis combien de temps n’avait-on pas entendu parler d’amour avec autant d’humanité ? Kurt Wagner a survécu à son cancer de la mâchoire et, comme dirait Abd Al Malik, il nous « piétine le cœur » de sa voix mate sur le nouvel album de Lambchop. Les orgues de Groundation grognent et grondent comme s’ils se savaient les derniers détenteurs du feu sacré. Marisa Monte sort deux par deux des albums d’un classicisme infiniment particulier. Danyel Waro et Titi Robin dialoguent comme s'ils venaient de se rencontrer aux Saintes-Maries de la Mer. Le monde du folk bouillonne d’idées et d’audaces nouvelles. Musicalement au moins, on vit une époque formidable.

20 novembre 2006

Hop, au Pop In

Sacré lieu que le Pop In, le café pop de la rue Amelot, tout en couloirs et en escaliers ! Jon Auer, l’ancien chanteur des Posies, y jouait dimanche soir. Mais, de toutes façons, ce bar est devenu une telle institution avec son ambiance "chambre d’étudiant étranger qui se meuble chez Emmaüs", ses découvertes musicales et ses silhouettes familières (on a toujours l’impression qu’on va croiser l’un des Herman Düne dans le couloir), qu’il vaut le détour à lui tout seul.

Awadi, ce héros ...

Vendredi soir, l’association Stay Calm organisait la projection d’une copie de travail de Fangafrika, un documentaire sur le rap en Afrique de l’ouest. Encore une fois, c’est Awadi qui s’en détache. Le rapper sénégalais chante pendant plus d’un tiers du documentaire avec une lucidité et un talent qui laissent bien loin derrière lui les rappers burkinabè, togolais ou béninois, pourtant doués. Awadi est un héros. Ses chansons devraient remplacer dans les écoles d’Afrique de l’ouest les manuels scolaires importés d’Europe …

16 novembre 2006

Voici venu le temps du réseau ...

Il avait été prophétisé depuis plus de dix ans. Le voici venu, le temps du réseau. Sa phase ultime, même. Fini l’achat de disques ou de DVDs. Fini même le temps du téléchargement de vidéos et de musiques. Nous entrons dans le temps de l’immatérialité absolue, sans même un fichier mp3 qui stagne sur un disque dur. Désormais, les produits culturels seront consommés « à la demande ». Un clic sur une page du réseau et la voix d’Aretha Franklin résonnera dans les enceintes. Un autre et « La soif du mal » d’Orson Welles démarrera, avec sa fascinante scène d’ouverture. Sans téléchargement, donc, mais en instantané, ce qui change la donne : il ne s’agit plus de devenir propriétaire, de façon légale ou non, d’un fichier mais de le louer. Et de le relouer à chaque nouvelle écoute, à chaque nouveau visionnage. Eventuellement en contrepartie d’un abonnement à un site. Pour avoir une idée de ce que donne cette consommation culturelle instantanée et illimitée, vous pouvez, si vous avez une bonne connexion à internet, tester l’offre de fnac.com : l’écoute en direct de plus de 80 000 albums en échange d’un abonnement fixé à 1 euro le premier mois et à 9,99 euros les mois suivants. C'est vertigineux (au moins autant que la connerie de Lagerfeld) et ça amène des milliers de questions ...

Grands philosophes de notre temps ...

Ainsi s’exprime le grand Karl Lagerfeld : « Ce qui m'a dégouté du jazz, c'est les gens qui l'aiment, le côté pantalon de velours, pipe et chemise écossaise un peu débraillée. » Sans commentaire. On a les philosophes qu’on se choisit (ou que les médias choisissent pour nous) …

09 novembre 2006

Michto ! Michto !

« Michto ! Michto ! » s’écriait à tout bout de champ le héros de Gadjo Dilo. On aimerait tous être dans cet état d’éternel émerveillement mais novembre n’y est pas propice. Surtout ce mois de novembre, assourdi par le changement d’heure et les premiers froids. Parlons de moi, si ça ne vous dérange pas : je vous avoue que je suis totalement débordé par un boulot qui s’enfuie en courant et que je m’essouffle à essayer de rattraper. Et la recherche de petits chemins sur les côtés pour y marcher à mon pas me prend beaucoup de temps sans, pour l’instant, laisser entrevoir des lendemains qui chantent juste. D’où une raréfaction de mes messages sur ce blog … Mais il reste des raisons de jubiler, comme ce « Michto maloya », rencontre qu'on espère en apesanteur entre Danyel Waro, le bluesman de la Réunion, et "Titi" Robin, gitan d’Angers dangereusement internationaliste. Ce sera à Aulnay-sous-Bois le 24 novembre et à Saint-Denis le 3 décembre. J’y serai et, si je suis transporté, j’y claironnerai moi aussi « Michto ! Michto ! ».

31 octobre 2006

Art déco

Longtemps, la pochette d’un 33 tours de Quilapayun a orné la porte de notre appartement. C’était la première chose que les visiteurs voyaient en arrivant : un poing dressé, aux couleurs du Chili, surtitré par un slogan : « El pueblo unido jamas sera vencido » (en français : « Le peuple uni ne sera jamais vaincu »). La phrase est belle. Elle est mathématiquement exacte. Le problème est qu’elle est humainement fausse. Il est sûr qu’un peuple qui resterait uni ne se verrait jamais déposséder de ses droits. Mais personne ne vit au conditionnel : le peuple est constamment désuni. A croire même que « le » peuple n’existe pas, qu’il est plus juste de parler des peuples. Et encore ... Bref, cette belle pochette commençant à générer des idées noires en série, il était temps d’en changer.
C’est la pochette du 33 tours du Bwana Zoulou Gang qui lui succède. Un dessin de Jano, l’auteur de la série des Kebra, montre une troupe mixte, mi noire mi blanche, défendant quelques gratte-ciels en tenue de guerriers zoulous du vingtième siècle. Il résume la composition de ce groupe d’un soir : Ray Lema en chef d’orchestre et en compositeur principal, accompagné de Jacques Higelin, de Lokua Kanza, de Tom Novembre, de Manu Dibango, d’Alain Bashung, de Charlélie Couture, de Willy N’For et d’Emmanuel Bex. Le disque a été enregistré en 1987. Autre époque, à nouveau. Mais quelques années passeront certainement avant qu’on ne s’en lasse …

25 octobre 2006

Club d'arrière-pensées

Rien n’est impossible en politique politicienne, même pas d’être « sarkoziste » et d’être « de gauche ». Réunir les « sarkozistes de gauche » est même la raison d’être d’un « club » baptisé « la Diagonale ». On y retrouve toute une cohorte de brillants transformistes, capables de changer de casaque en plein milieu d’une course : Jacques Attali, Max Gallo, Pascal Sevran, … Lundi dernier, ce « club de pensée » (« think tank » en anglais … il serait plus juste de parler de « club d’arrière-pensées » mais comment traduire ça en anglais ?) a organisé un débat aux Bains Douches pour répondre à cette cruelle question : "Quelle diffusion pour la culture en France ?". Denis Olivennes, le dirigeant de la Fnac, et Marin Karmitz y participaient.
La course présidentielle a été lancée depuis longtemps. Mais, cette fois, c’est le signal du départ pour la course à un poste de conseiller du Ministre de la Culture du gouvernement de Sarkozy qui vient de retentir. Que le plus fourbe gagne …

23 octobre 2006

Les quatre Fantastiques

Le concert d’El Hadj N’Diaye vendredi dernier à la salle Saint Jo’ de Clamart était tout bonnement fantastique. El Hadj était lumineux, comme toujours. Morika Koita, le joueur de ngoni malien, s’est surpassé. Loy Ehrlich à la basse et Prabhu Edouard aux tablas étaient plus qu’à la hauteur. Et même l’écoute du public était exceptionnelle. On sort de ce genre de concerts regonflé à bloc, avec l'impression d'avoir des super-pouvoirs ...




19 octobre 2006

Mille ans de musique populaire ...

Les Anglais sont formidables. Pas tous, pas tout le temps, mais tout de même … certains Anglais sont formidables. Lorsque Playboy Magazine, au tournant du siècle, a demandé à Richard Thompson de lister les 10 meilleures chansons du millénaire qui s’achevait, les journalistes s’attendaient certainement à ne recevoir qu’une liste de titres vieux, au mieux, d’une cinquantaine d’années. Richard Thompson, qui plaisante parfois mais pas avec la musique, leur a parlé de chansons italiennes de la fin de la Renaissance et de chansons retranscrites dans un manuscrit ecclésiastique anglais du treizième siècle. Bien sûr, Playboy n’a pas publié sa liste. Mais Richard Thompson en a tiré la matière d’un spectacle. Puis d’un live (un DVD et deux CDs). Il y interprète 13 chansons qui vont de « Sumer is incumen in », une chanson de 1260 après Jésus-Christ (à peu de choses près), trouvée dans un manuscrit conservé à la British Library, à « 1985 », une chanson du groupe de punk-rock éthylique texan Bowling for soup, écrite en 2004. Au passage, il revisite une chanson de l’Italien Orazio Vecchi écrite à la fin du seizième siècle, une chanson de marins et une chanson de mineurs, aucune chanson des Beatles (tant mieux) mais une chanson des Kinks (belle preuve de bon goût), aucun standard du folk nord-américain mais un boogie de la Nouvelle Orléans … et, au final, une chanson de Karl Sandberg et Remi Yacoub, écrite pour Britney Spears, qui devient soudain écoutable.
Deux choses étonnent à l’écoute des disques : le naturel et la légèreté de ce projet très réussi. Richard Thompson chante et joue de la guitare comme sur ses derniers albums. Que certains titres aient plus de six siècles se remarque à peine. Et le tout est traité avec un humour délicieusement british, du dessin de la pochette à la présentation des titres. Il ne s’agit pas pour l’artiste et ses deux acolytes (Judith Owen au chant et au piano et Debra Dobkin au chant et aux percussions) d’assommer le spectateur mais de lui faire apprécier quelques chansons dont il ignorait probablement tout, avec une modestie et un plaisir partagé évidents. On imagine mal l’effroyable mille-feuille pesant et vaniteux qu’aurait donné ce même projet entre les mains d’un artiste français reconnu …

De Dakar à Clamart

Et puisqu’on parle de folk, autant annoncer le concert d’El Hadj N’Diaye demain soir à Clamart. Le grand chanteur sénégalais n’a, à ma connaissance, aucun lien avec Woody Guthrie, Pete Seeger ou Phil Ochs, mais, avec sa guitare acoustique et sa voix qui laisse entendre toute une vie le temps de quelques notes, il est lui aussi un superbe concentré d’humanité.

18 octobre 2006

Folk's not dead !

Tout le monde le dit, Libération hier et Vibrations ce mois-ci : les années « 00 » ne sont pas celles du retour du rock mais celles du retour du folk. De partout, surgissent d’excellents disques d’hommes et de femmes seules avec leur guitare. Libération a une théorie étonnante à ce propos. Pour ses journalistes, le folk était la musique d’avant le disque et sera également la musique « d’après le disque ». Après l’écroulement des empires discographiques, les artistes reviennent à des enregistrements bricolés dans une chambre d’étudiant qu’ils diffusent ensuite sur le net. Ce n’est pas faux. Mais cela ne les relie pas aux héros du folk du début du siècle précédent, dont l’art était communautaire : il s’agissait de véhiculer des nouvelles (un album de Phil Ochs s’appelle « All the news that’s fit to sing »), de redonner du courage, à une époque où la télévision n’avait pas encore remplacé les veillées. Non, c’est surtout un bon vieux besoin de simplicité et d’intimisme qui nous donne envie d’écouter des voix nues et des accords de guitare épars. Le folk est du concentré d’humanité. Et quand on est épuisé d’une vie déshumanisante passée à se cogner dans des machines, un disque de folk est le meilleur des antidotes …

P.S. Moi, c’est avec Sufjan Stevens que je me réveille chaque matin depuis des mois. Il n’est pas seul avec son banjo mais il est parfait pour les premières minutes de la journée ...

That's all folk ...








Zao

Voilà six mois qu’on attendait un concert parisien de Zao et personne n’a été déçu. Le chanteur congolais a été magnifique samedi soir au Trabendo. Son concert a été à la fois hilarant, terriblement dansant et touchant. Chapeau à Toups Bebey, le saxophoniste chef d’orchestre qui a mis son répertoire en valeur mieux qu'il ne l'avait jamais été …

17 octobre 2006

Hommes de bien ...

Quelques nuits d’hagiographie …
Le 12 octobre, c’était le “Columbus day”, un jour de fête pour ceux qui se réjouissent que Christophe Colomb ait atteint les côtes du “Nouveau monde”, un jour de protestation pour les autres. Et notamment pour les Amérindiens. En région parisienne, cette nuit-là, ce sont surtout les Amérindiens et ceux qui les défendent qui se sont fait entendre. Leur plus célèbre porte-parole, John Trudell, était en effet le sujet d’un documentaire dont l’avant-première était organisée au cinéma de Pantin. Un long portrait, élogieux, presque une hagiographie de celui qui a été le représentant de la frange la plus militante des Amérindiens et est devenu un poète / chanteur saisissant après avoir perdu sa femme et ses enfants dans la bataille. Un fascinant voyage vers l’intériorité d’un homme, rythmé par ses mots graves et tendres.
Le 15 octobre, c’était le dix-neuvième anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara. Trois documentaires projetés dans une salle associative du quatorzième arrondissement lui rendaient hommage. Là encore, l’hagiographie n’était pas loin. Mais, après tout, notre époque a bien le droit d’avoir ses modèles et rien ne nous oblige à les choisir sur un terrain de football ou sur un plateau de télévision. Thomas Sankara, le capitaine qui tenta de lutter contre la fatalité au Burkina Faso entre 1984 et 1987, était donc – n’en déplaise à ceux qui croient que cela n’existe pas, que l’être humain est trop faible pour cela – un héros, une sorte de saint laïc.
Quel rapport avec la musique (puisque c’est de cela qu’il s’agit d’ordinaire ici) ? Dans le désordre : … Sankara était musicien. Quelques photos le montrent une guitare à la main (même si personne ne dit qu’il en jouait bien) … C’est le grand Ray Lema qui a composé la bande-originale de l’un des documentaires … Dans un autre, Sankara, à la tribune de l’ONU, citait les musiciens parmi les « artistes – poètes, peintres, sculpteurs, musiciens, acteurs – hommes de bien qui voient leur art se prostituer » … Le troisième documentaire s’achevait par l’image de Karim, l’extraordinaire spécialiste du reggae sur Ouaga FM, qui, en direct, rendait hommage sur un dub apaisé au père de Thomas Sankara, décédé l’été dernier …
Trève d’hypocrisie : Thomas Sankara me fascine (comme d'autres "hommes de bien" : Karim, François-Xavier Verschave dont je lis actuellement "L'homme qui voulait soulever les montagnes, ...) parce qu'il me pousse à être meilleur, pas pour ses liens avec les musiciens. D’ailleurs, j’aurais pu parler de ses liens avec les Amérindiens, dont il disait à la tribune de l’ONU « Je souffre au nom des Indiens massacrés, écrasés, humiliés et confinés depuis des siècles dans des réserves, afin qu’ils n’aspirent à aucun droit et que leur culture ne puisse s’enrichir en convolant en noces heureuses au contact d’autres cultures, y compris celle de l’envahisseur. » Et pourtant il ne connaissait pas John Trudell ! Qu'est-ce que cela aurait été s'ils avaient eu le temps de se rencontrer ...

05 octobre 2006

Les damnés du disque

J’évoquais récemment le sort des employés de la Fnac mais celui des soutiers de Virgin n’est pas enviable non plus. La chaîne de magasins souhaite « externaliser » sa logistique. Les 37 salariés de sa plate-forme logistique du boulevard Mac Donald risquent de perdre leur emploi. Pas de quoi inquiéter une chaîne de magasins qui s’est déjà bâtie une solide réputation de broyeuse de mouvements sociaux en licenciant un délégué syndical pour « harcèlement » d’un supérieur hiérarchique, puis en licenciant ceux qui l’avait soutenu, dont l’un pour avoir … mangé la pizza d’un collègue.

04 octobre 2006

Monstres sacrés

Trois concerts, trois monstres sacrés (ou presque), tel était le programme du week-end dernier.
Vendredi soir, c’était Pierre Akendengué qui était sur la scène de l’Elysée Montmartre. Dans l’indifférence presque générale, tant la publicité pour ce concert avait été mal faite. Peu importe, c’était bien l’auteur d’ « Africa Obota », d’ « Epuguzu », d’ « Oma Ayiya », soit quelques unes des plus belles chansons africaines du siècle dernier, qui se trouvait face à nous, assis sur une chaise une guitare sur les genoux, nous distinguant mal derrière ses lunettes épaisses mais nous écoutant, savourant nos réactions lorsque nous reconnaissions les premières notes d’un morceau ou lorsque nous riions d’une allusion à l’actualité glissée dans un morceau écrit en 1970. Un monstre sacré, un vrai, vénéré dans son pays, entré dans la légende mais, au fond, toujours contemporain et toujours vulnérable …
Samedi soir, c’était Danyel Waro qui fêtait la sortie de son nouvel album au New Morning. Danyel est un monstre sacré lui aussi. Pour les Réunionnais, il représente le maloya, cette plainte dansante qui les ramène à leurs racines. Pour les autres, il représente la poésie faite rythme. Comme d’habitude (c’est la troisième fois que je le voyais en moins d’un an), il s’est donné sans compter. C’est même sa technique de chant : tout sortir d’un coup, sans rien calculer, sans craindre de ne pas arriver à la fin du vers. Une technique unique et fascinante.
Dimanche après-midi, c’était Burhan Oçal qui tentait de se faire passer pour un monstre sacré du Bosphore. D’un regard de braise valsant au dessus d’une moustache de séducteur d’antan, il dirigeait un orchestre d’une vingtaine d’excellents musiciens turcs au Cirque d’Hiver. Lui-même remarquable joueur de derbouka, il s’est malheureusement révélé un chanteur sans charisme et, étonnamment, un piètre batteur. Désolé, monsieur Oçal, mais c’est raté, on ne vous considérera pas ici comme un monstre sacré …

03 octobre 2006

Meilleur clip de l'année !

Dans la catégorie "Meilleur clip de rap français de l'année", un seul candidat : Kamini, avec "Marly-Gomont" ! Prenez le temps de regarder le clip jusqu'à la fin, il va vous redonner le sourire ...

29 septembre 2006

Le lion du Zimbabwe

Mais qu’est devenue la flamboyance de Thomas Mapfumo ? Sur son nouvel album, le « lion du Zimbabwe » ne rugit plus. Dès les premières mesures, un orgue indolent s’étire en feulant et plonge le groupe dans une profonde torpeur. Tout ce qui fait d’ordinaire la force des meilleurs titres de Thomas Mapfumo est pourtant là : la prose sinueuse, les chœurs féminins hypnotiques, l’infini chapelet de notes qu’égrène la mbira, le « piano à pouces » du Zimbabwe, les guitares acides, … Mais, sur « Rise up », tout semble fonctionner au ralenti, comme dans un rêve. Il manque l’étincelle guerrière qui jusqu’alors transformait le groupe en un formidable big band africain, capable de superposer le son d’une douzaine d’instruments à un rythme d’enfer et de redonner envie de se battre au plus désabusé des opposants à Mugabe. Le disque n’est pas désagréable, certains titres supportent même bien ce sous régime. Il est simplement en deçà de ce dont on rêvait …

Les rats quittent le navire

Le titre n’est pas élogieux mais c’est le premier qui m’est venu à l’esprit lorsque j’ai lu que le groupe Pinault allait revendre la Fnac. Vous comprenez, la Fnac n’est pas assez profitable. Elle n’est pas déficitaire, loin de là, mais sa rentabilité (3,46%) est bien inférieure aux 12 à 15% que peut espérer son actionnaire principal en investissant dans les boutiques de luxe. Et surtout, l’avenir est bien incertain du côté du disque et du DVD. Mieux vaut quitter le navire maintenant, avant qu’un iceberg numérique ne l’ait fait couler.
Pauvres vendeurs de la Fnac, vous qui avez déjà avalé tant de couleuvres, qui avez dû faire le deuil de vos ambitions de service au client, de vos envies de mises en avant personnalisées, que va vous annoncer le repreneur ? Que vous coûtez trop cher et qu'il va vous remplacer par des distributeurs automatiques acceptant la carte bleue ?

28 septembre 2006

De balancer, mon coeur ...

Demain soir, Cesaria Evora participera à l’émission de la Star Academy. Elle chantera « Sodade », une chanson monument qui devrait être inscrite au patrimoine de l’humanité, un blues océanique qui évoque le travail forcé de l’ère coloniale mais parvient vite, lorsque Cesaria s’en empare, à atteindre l’universel. Elle chantera « Sodade », donc, en compagnie de l’un ou de l’une des candidat(e)s. Comme souvent, elle sera ailleurs. C’est sa vie : un exil constant. Elle regardera au loin, prêtera à peine attention à son jeune comparse, fera quelques grimaces d’usage, esquissera un salut de la main puis quittera la scène sous les applaudissements d’un public qui acclame avec la même vigueur Lorie et Charles Aznavour, la gagnante du soir et le musicien qui travaille depuis quinze ou vingt ans à ouvrir de nouvelles voies. Les pragmatiques diront que Cesaria n’a pas la choix, si elle veut être vue des Français, que cette émission n’est honnêtement pas plus détestable que celles de Fogiel (l’agressivité faite nain), Ardisson (et son incontournable question sur la sodomie), Ruquier (de plus en plus racoleur) ou Bern (incapable de prononcer un nom africain correctement, on en a encore eu la preuve cette semaine avec le passage éclair d’Akendengué dans son émission). Les justes diront qu’elle cautionne un jeu qui creuse encore le fossé entre le public et les vrais musiciens. Entre les deux, de balancer mon cœur devrait cesser.