31 octobre 2006

Art déco

Longtemps, la pochette d’un 33 tours de Quilapayun a orné la porte de notre appartement. C’était la première chose que les visiteurs voyaient en arrivant : un poing dressé, aux couleurs du Chili, surtitré par un slogan : « El pueblo unido jamas sera vencido » (en français : « Le peuple uni ne sera jamais vaincu »). La phrase est belle. Elle est mathématiquement exacte. Le problème est qu’elle est humainement fausse. Il est sûr qu’un peuple qui resterait uni ne se verrait jamais déposséder de ses droits. Mais personne ne vit au conditionnel : le peuple est constamment désuni. A croire même que « le » peuple n’existe pas, qu’il est plus juste de parler des peuples. Et encore ... Bref, cette belle pochette commençant à générer des idées noires en série, il était temps d’en changer.
C’est la pochette du 33 tours du Bwana Zoulou Gang qui lui succède. Un dessin de Jano, l’auteur de la série des Kebra, montre une troupe mixte, mi noire mi blanche, défendant quelques gratte-ciels en tenue de guerriers zoulous du vingtième siècle. Il résume la composition de ce groupe d’un soir : Ray Lema en chef d’orchestre et en compositeur principal, accompagné de Jacques Higelin, de Lokua Kanza, de Tom Novembre, de Manu Dibango, d’Alain Bashung, de Charlélie Couture, de Willy N’For et d’Emmanuel Bex. Le disque a été enregistré en 1987. Autre époque, à nouveau. Mais quelques années passeront certainement avant qu’on ne s’en lasse …

25 octobre 2006

Club d'arrière-pensées

Rien n’est impossible en politique politicienne, même pas d’être « sarkoziste » et d’être « de gauche ». Réunir les « sarkozistes de gauche » est même la raison d’être d’un « club » baptisé « la Diagonale ». On y retrouve toute une cohorte de brillants transformistes, capables de changer de casaque en plein milieu d’une course : Jacques Attali, Max Gallo, Pascal Sevran, … Lundi dernier, ce « club de pensée » (« think tank » en anglais … il serait plus juste de parler de « club d’arrière-pensées » mais comment traduire ça en anglais ?) a organisé un débat aux Bains Douches pour répondre à cette cruelle question : "Quelle diffusion pour la culture en France ?". Denis Olivennes, le dirigeant de la Fnac, et Marin Karmitz y participaient.
La course présidentielle a été lancée depuis longtemps. Mais, cette fois, c’est le signal du départ pour la course à un poste de conseiller du Ministre de la Culture du gouvernement de Sarkozy qui vient de retentir. Que le plus fourbe gagne …

23 octobre 2006

Les quatre Fantastiques

Le concert d’El Hadj N’Diaye vendredi dernier à la salle Saint Jo’ de Clamart était tout bonnement fantastique. El Hadj était lumineux, comme toujours. Morika Koita, le joueur de ngoni malien, s’est surpassé. Loy Ehrlich à la basse et Prabhu Edouard aux tablas étaient plus qu’à la hauteur. Et même l’écoute du public était exceptionnelle. On sort de ce genre de concerts regonflé à bloc, avec l'impression d'avoir des super-pouvoirs ...




19 octobre 2006

Mille ans de musique populaire ...

Les Anglais sont formidables. Pas tous, pas tout le temps, mais tout de même … certains Anglais sont formidables. Lorsque Playboy Magazine, au tournant du siècle, a demandé à Richard Thompson de lister les 10 meilleures chansons du millénaire qui s’achevait, les journalistes s’attendaient certainement à ne recevoir qu’une liste de titres vieux, au mieux, d’une cinquantaine d’années. Richard Thompson, qui plaisante parfois mais pas avec la musique, leur a parlé de chansons italiennes de la fin de la Renaissance et de chansons retranscrites dans un manuscrit ecclésiastique anglais du treizième siècle. Bien sûr, Playboy n’a pas publié sa liste. Mais Richard Thompson en a tiré la matière d’un spectacle. Puis d’un live (un DVD et deux CDs). Il y interprète 13 chansons qui vont de « Sumer is incumen in », une chanson de 1260 après Jésus-Christ (à peu de choses près), trouvée dans un manuscrit conservé à la British Library, à « 1985 », une chanson du groupe de punk-rock éthylique texan Bowling for soup, écrite en 2004. Au passage, il revisite une chanson de l’Italien Orazio Vecchi écrite à la fin du seizième siècle, une chanson de marins et une chanson de mineurs, aucune chanson des Beatles (tant mieux) mais une chanson des Kinks (belle preuve de bon goût), aucun standard du folk nord-américain mais un boogie de la Nouvelle Orléans … et, au final, une chanson de Karl Sandberg et Remi Yacoub, écrite pour Britney Spears, qui devient soudain écoutable.
Deux choses étonnent à l’écoute des disques : le naturel et la légèreté de ce projet très réussi. Richard Thompson chante et joue de la guitare comme sur ses derniers albums. Que certains titres aient plus de six siècles se remarque à peine. Et le tout est traité avec un humour délicieusement british, du dessin de la pochette à la présentation des titres. Il ne s’agit pas pour l’artiste et ses deux acolytes (Judith Owen au chant et au piano et Debra Dobkin au chant et aux percussions) d’assommer le spectateur mais de lui faire apprécier quelques chansons dont il ignorait probablement tout, avec une modestie et un plaisir partagé évidents. On imagine mal l’effroyable mille-feuille pesant et vaniteux qu’aurait donné ce même projet entre les mains d’un artiste français reconnu …

De Dakar à Clamart

Et puisqu’on parle de folk, autant annoncer le concert d’El Hadj N’Diaye demain soir à Clamart. Le grand chanteur sénégalais n’a, à ma connaissance, aucun lien avec Woody Guthrie, Pete Seeger ou Phil Ochs, mais, avec sa guitare acoustique et sa voix qui laisse entendre toute une vie le temps de quelques notes, il est lui aussi un superbe concentré d’humanité.

18 octobre 2006

Folk's not dead !

Tout le monde le dit, Libération hier et Vibrations ce mois-ci : les années « 00 » ne sont pas celles du retour du rock mais celles du retour du folk. De partout, surgissent d’excellents disques d’hommes et de femmes seules avec leur guitare. Libération a une théorie étonnante à ce propos. Pour ses journalistes, le folk était la musique d’avant le disque et sera également la musique « d’après le disque ». Après l’écroulement des empires discographiques, les artistes reviennent à des enregistrements bricolés dans une chambre d’étudiant qu’ils diffusent ensuite sur le net. Ce n’est pas faux. Mais cela ne les relie pas aux héros du folk du début du siècle précédent, dont l’art était communautaire : il s’agissait de véhiculer des nouvelles (un album de Phil Ochs s’appelle « All the news that’s fit to sing »), de redonner du courage, à une époque où la télévision n’avait pas encore remplacé les veillées. Non, c’est surtout un bon vieux besoin de simplicité et d’intimisme qui nous donne envie d’écouter des voix nues et des accords de guitare épars. Le folk est du concentré d’humanité. Et quand on est épuisé d’une vie déshumanisante passée à se cogner dans des machines, un disque de folk est le meilleur des antidotes …

P.S. Moi, c’est avec Sufjan Stevens que je me réveille chaque matin depuis des mois. Il n’est pas seul avec son banjo mais il est parfait pour les premières minutes de la journée ...

That's all folk ...








Zao

Voilà six mois qu’on attendait un concert parisien de Zao et personne n’a été déçu. Le chanteur congolais a été magnifique samedi soir au Trabendo. Son concert a été à la fois hilarant, terriblement dansant et touchant. Chapeau à Toups Bebey, le saxophoniste chef d’orchestre qui a mis son répertoire en valeur mieux qu'il ne l'avait jamais été …

17 octobre 2006

Hommes de bien ...

Quelques nuits d’hagiographie …
Le 12 octobre, c’était le “Columbus day”, un jour de fête pour ceux qui se réjouissent que Christophe Colomb ait atteint les côtes du “Nouveau monde”, un jour de protestation pour les autres. Et notamment pour les Amérindiens. En région parisienne, cette nuit-là, ce sont surtout les Amérindiens et ceux qui les défendent qui se sont fait entendre. Leur plus célèbre porte-parole, John Trudell, était en effet le sujet d’un documentaire dont l’avant-première était organisée au cinéma de Pantin. Un long portrait, élogieux, presque une hagiographie de celui qui a été le représentant de la frange la plus militante des Amérindiens et est devenu un poète / chanteur saisissant après avoir perdu sa femme et ses enfants dans la bataille. Un fascinant voyage vers l’intériorité d’un homme, rythmé par ses mots graves et tendres.
Le 15 octobre, c’était le dix-neuvième anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara. Trois documentaires projetés dans une salle associative du quatorzième arrondissement lui rendaient hommage. Là encore, l’hagiographie n’était pas loin. Mais, après tout, notre époque a bien le droit d’avoir ses modèles et rien ne nous oblige à les choisir sur un terrain de football ou sur un plateau de télévision. Thomas Sankara, le capitaine qui tenta de lutter contre la fatalité au Burkina Faso entre 1984 et 1987, était donc – n’en déplaise à ceux qui croient que cela n’existe pas, que l’être humain est trop faible pour cela – un héros, une sorte de saint laïc.
Quel rapport avec la musique (puisque c’est de cela qu’il s’agit d’ordinaire ici) ? Dans le désordre : … Sankara était musicien. Quelques photos le montrent une guitare à la main (même si personne ne dit qu’il en jouait bien) … C’est le grand Ray Lema qui a composé la bande-originale de l’un des documentaires … Dans un autre, Sankara, à la tribune de l’ONU, citait les musiciens parmi les « artistes – poètes, peintres, sculpteurs, musiciens, acteurs – hommes de bien qui voient leur art se prostituer » … Le troisième documentaire s’achevait par l’image de Karim, l’extraordinaire spécialiste du reggae sur Ouaga FM, qui, en direct, rendait hommage sur un dub apaisé au père de Thomas Sankara, décédé l’été dernier …
Trève d’hypocrisie : Thomas Sankara me fascine (comme d'autres "hommes de bien" : Karim, François-Xavier Verschave dont je lis actuellement "L'homme qui voulait soulever les montagnes, ...) parce qu'il me pousse à être meilleur, pas pour ses liens avec les musiciens. D’ailleurs, j’aurais pu parler de ses liens avec les Amérindiens, dont il disait à la tribune de l’ONU « Je souffre au nom des Indiens massacrés, écrasés, humiliés et confinés depuis des siècles dans des réserves, afin qu’ils n’aspirent à aucun droit et que leur culture ne puisse s’enrichir en convolant en noces heureuses au contact d’autres cultures, y compris celle de l’envahisseur. » Et pourtant il ne connaissait pas John Trudell ! Qu'est-ce que cela aurait été s'ils avaient eu le temps de se rencontrer ...

05 octobre 2006

Les damnés du disque

J’évoquais récemment le sort des employés de la Fnac mais celui des soutiers de Virgin n’est pas enviable non plus. La chaîne de magasins souhaite « externaliser » sa logistique. Les 37 salariés de sa plate-forme logistique du boulevard Mac Donald risquent de perdre leur emploi. Pas de quoi inquiéter une chaîne de magasins qui s’est déjà bâtie une solide réputation de broyeuse de mouvements sociaux en licenciant un délégué syndical pour « harcèlement » d’un supérieur hiérarchique, puis en licenciant ceux qui l’avait soutenu, dont l’un pour avoir … mangé la pizza d’un collègue.

04 octobre 2006

Monstres sacrés

Trois concerts, trois monstres sacrés (ou presque), tel était le programme du week-end dernier.
Vendredi soir, c’était Pierre Akendengué qui était sur la scène de l’Elysée Montmartre. Dans l’indifférence presque générale, tant la publicité pour ce concert avait été mal faite. Peu importe, c’était bien l’auteur d’ « Africa Obota », d’ « Epuguzu », d’ « Oma Ayiya », soit quelques unes des plus belles chansons africaines du siècle dernier, qui se trouvait face à nous, assis sur une chaise une guitare sur les genoux, nous distinguant mal derrière ses lunettes épaisses mais nous écoutant, savourant nos réactions lorsque nous reconnaissions les premières notes d’un morceau ou lorsque nous riions d’une allusion à l’actualité glissée dans un morceau écrit en 1970. Un monstre sacré, un vrai, vénéré dans son pays, entré dans la légende mais, au fond, toujours contemporain et toujours vulnérable …
Samedi soir, c’était Danyel Waro qui fêtait la sortie de son nouvel album au New Morning. Danyel est un monstre sacré lui aussi. Pour les Réunionnais, il représente le maloya, cette plainte dansante qui les ramène à leurs racines. Pour les autres, il représente la poésie faite rythme. Comme d’habitude (c’est la troisième fois que je le voyais en moins d’un an), il s’est donné sans compter. C’est même sa technique de chant : tout sortir d’un coup, sans rien calculer, sans craindre de ne pas arriver à la fin du vers. Une technique unique et fascinante.
Dimanche après-midi, c’était Burhan Oçal qui tentait de se faire passer pour un monstre sacré du Bosphore. D’un regard de braise valsant au dessus d’une moustache de séducteur d’antan, il dirigeait un orchestre d’une vingtaine d’excellents musiciens turcs au Cirque d’Hiver. Lui-même remarquable joueur de derbouka, il s’est malheureusement révélé un chanteur sans charisme et, étonnamment, un piètre batteur. Désolé, monsieur Oçal, mais c’est raté, on ne vous considérera pas ici comme un monstre sacré …

03 octobre 2006

Meilleur clip de l'année !

Dans la catégorie "Meilleur clip de rap français de l'année", un seul candidat : Kamini, avec "Marly-Gomont" ! Prenez le temps de regarder le clip jusqu'à la fin, il va vous redonner le sourire ...