17 juin 2006

Admiration / consternation

J’ai eu la chance jeudi soir d’assister à l’enregistrement de l’émission de Robert Brazza sur Africa n°1 et je n’en suis pas encore complètement revenu. Robert anime une émission sur la « radio africaine » tous les soirs de la semaine, de 21h à 23h. Il reçoit des musiciens africains et évoque avec ou sans eux l’actualité musicale africaine. Et c’est à chaque fois un tour de force, une démonstration frappante d’éloquence, de culture et d’écoute. L’avenir de la musique africaine francophone se trouve là, dans cette érudition gourmande (ah, cette façon de remettre tout en perspective avec un titre de Franklin Boukaka …), dans ce sens de l’écoute, de l’analyse au débotté et de la répartie cinglante, dans cette complicité avec les auditeurs, …
Bravo monsieur Brazza !

Puisque je parle de médias, j’ajoute quelques mots à propos d’un journal – détestable – que je viens de découvrir. Il s’agit d’un journal gratuit, un de plus. Je ne suis pas friand de ce genre de torchons qui sont en train d’asphyxier la presse française mais je voulais savoir qui se cache derrière celui-ci, « Direct soir ». Je saute une vingtaine de pages bourrées d’horreurs : « informations » à propos de « people » (comprendre « ragots à propos de célébrités de notre temps » : Adriana Karembeu qui pose en tenue de secouriste de la Croix-Rouge française, Reese Witherspoon (qui ça ?) qui arrive à la Nouvelle-Orléans pour « réconforter les enfants », …), chroniques télé présentées comme des événements nationaux (le bonheur de Ruquier, le retour de Dechavanne), photos géantes qui remplacent des articles que, de toutes façons, personne ne souhaite lire, horoscope peopleisé (si vous êtes né sous le signe du bélier, sachez que vous avez le même tempérament que Pierre Palmade, c’est scientifique puisque c’est imprimé dans le journal), … La traversée de cette machine à fabriquer des crétins est une rude épreuve. Au passage, quelques détails me mettent la puce à l’oreille, comme l’importance que prend Direct 8 dans les pages télé (où – détail navrant – l’intérêt des émissions est signalé par un logo en forme de cornet de glace : trois glaces à trois boules signifient que le programme est vraiment alléchant … vous voyez le niveau de crétinerie). Direct 8, c’est l’insipide programme de télévision en direct du groupe Bolloré. Et, lorsque je finis par trouver l’ours du journal, l’adresse me le confirme : le « 32, quai de Dion Bouton » à Puteaux, c’est l’adresse de la Tour Bolloré. Je me souviens de ma surprise quand un taxi m’y avait déposé très tôt un matin pour que je participe au journal de Direct 8. La chaîne de télévision n’occupe qu’un étage d’une tour où l’activité réelle, que la télé permet de dissimuler, est plutôt la gestion d’entreprises de transport et de coupe de bois sur le continent africain (plus d’infos sur : http://survie.69.free.fr/campagnes/Campagne%20Bollore/bollore.htm) . Au nom du CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde), j’avais commenté sur Direct 8 la décision du G8 d’annuler une minuscule partie de la dette des pays les plus pauvres. J’avais essayé d’expliquer à des apprentis journalistes qui ne s’intéressaient pas à mes réponses combien cette initiative est une supercherie qui ne règle aucun problème. Mon ami Damien Millet, le président du CADTM, avait fait beaucoup mieux : au cours d’un débat sur Direct 8, il avait expliqué que la dette permet surtout à des multinationales comme Bolloré de faire main basse sur les richesses du continent africain. Cris d’horreur du présentateur qui s’est hâté de démentir en expliquant que monsieur Bolloré est un humaniste. Ce que Damien a immédiatement mis en doute. Du coup, Damien n’a plus jamais été invité sur Direct 8. Moi non plus. Et nous ne serons probablement jamais interviewés par Direct Soir.
C’est à cela que ça sert de lancer un journal gratuit : on peut choisir ceux qui y prendront la parole …

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