25 juin 2006

Feu Jacques Lanzmann ...

En fait, je ne sais presque rien à propos de Lanzmann. Je n’ai lu aucun de ces romans. Et j’ai tort parce que c’est probablement pour eux qu’il aurait aimé qu’on se souvienne de lui. J’ai bien sûr lu sa nécrologie dans le journal. J’ai donc en tête quelques grandes lignes de sa vie, qui pourraient être autant de chapitres d’une vie particulièrement romanesque : la naissance à la fin des années 20 dans une famille juive (dont est également issu Claude Lanzmann, le réalisateur de « Shoah »), la résistance, l’exil en Amérique Latine, les petits boulots à son retour en France, le journalisme (il travaille pour « L’express » puis fonde « Lui »), les romans à partir de 1954 et les grands voyages à pied dans les années 80, … Mais, comme 60 millions de Français, j’ai surtout en tête les chansons écrites pour Jacques Dutronc. "L’opportuniste" (« A la prochaine révolution, je retourne mon pantalon »), c’est Jacques Lanzmann. "Il est cinq heures, Paris s’éveille" (« Les camions sont plein de lait / Les balayeurs sont pleins de balais »), "Les cactus", "Mini mini mini" (« Il est mini docteur Schweitzer »), "On nous cache tout, on nous dit rien", "Et moi, et moi, et moi", "L’aventurier" (« J'ai fait la vie à Varsovie / J'ai fait le mort à Baltimore / J'ai fait le rat à Canberra / J'ai joué aux dés à Yaoundé / J'ai joué aux dames à Amsterdam / Et fait des gammes à Birmingham »), c’était Lanzmann aussi …
Pendant ces quelques années de collaboration avec Dutronc, Jacques Lanzmann était, en France en tout cas, l’un des plus brillants chroniqueurs de son temps. D’une idée naissait une chanson. En quelques heures à peine, probablement. Ce n’était pas un chef d’œuvre longuement mûri mais il y a, dans ces chansons des années 60, un côté « feu d’artifice » que les compositions tonitruantes de Dutronc ne faisaient qu’accentuer. Une fraîcheur restée intacte malgré les années, grâce, notamment, à cette langue qui exulte, à ce français qu’on exalte en le libérant de sa pesanteur ordinaire, à ces mots qui semblent livrés à eux-mêmes et qui s’en donnent à cœur joie, partant souvent dans le sens inverse de celui qu’on leur prête d’habitude.
Jacques Lanzmann est décédé mercredi dernier mais ses chansons – qui représentent l’un de ces rares et délicieux moments où la chanson française botte gentiment le train de la langue qui la définit – sont éternelles.

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